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La Trilogie de la villégiature
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La nuit à l'envers : étonnant dialogue


Une prostituée fait monter un client dans sa chambre. Rien de plus normal. Elle est jeune, agréable, joyeuse. Une belle blonde, un p'tit peu vulgaire, juste ce qu'il faut. Elle sait mettre à l'aise le client. Lui, c'est Monsieur Quelconque. Il n'est pas vieux, un peu gros nounours, un pied pas tout à fait sorti de l'enfance. Il traîne et ne semble pas pressé d'enlever ses frusques. Elle s'étonne. Un original ! Ce n'est pas le premier, ce ne sera pas le dernier, mais ça fatigue, ce genre de gugusse. Il paye, demande encore une heure. Il est là pour parler. Qui est-il ? Que veut-il ?


«La nuit à l'envers», c'est l'histoire de deux solitudes qui se croisent sans se rencontrer. Lui a besoin de parler, de combler ce vide, le manque d'amour. Comme, elle le dit «des mecs comme toi, ce sont les pires. Vous avez tout perdu, votre fierté et votre envie de vivre, et c'est pour ça que vous êtes dangereux». Ses clients sont sa solitude à elle. Ce qui est bien avec ce personnage, c'est que ce n'est pas un cliché, ni une caricature. Elle a ses souffrances bien sûr, mais elle ne fait pas de misérabilisme.


«La nuit à l'envers» est un texte de jeunesse du «jeune» auteur Xavier Durringer.

Il l'a écrit à 23 ans avec des mots qui sentent encore les rages et les rêves d'adolescent. C'est vrai que cela peut sembler désuet à certains adultes, touchant à d'autres. En tout cas pour les lycéens qui ont la chance de venir voir la pièce, c'est un choc. Une pièce qui parle «comme eux» dans une langue et avec des sentiments qu'ils connaissent.

La mise en scène et la direction des comédiens de Christophe Lidon est impeccable. II y a mis beaucoup de tendresse et d'optimisme. Il n'a pas choisi des «vedettes» maison, mais des acteurs avec lesquels il voulait travailler.

Florence Viala offre à son personnage beaucoup de chaleur, de joie et d'émotion. Jérôme Pouly donne une belle fragilité à son personnage.

«La nuit à l'envers» est peut-être une œuvre mineure, mais une œuvre nécessaire.


Marie-Céline Nivière - Pariscope

LA NUIT A L'ENVERS - Xavier DURRINGER
Avec Florence Viala et Jérôme Pouly

Entrée de l’auteur au répertoire de la Comédie Française.

Création au Studio de la Comédie Française

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A suivre ...

L'écorché vif qui demeure lucide

Première pièce de Xavier Durringer (il en aligne à présent une dizaine partout jouées ainsi que trois films, en attendant la suite, emplie de projets divers en voie de réalisation) la Nuit à l'envers, qui date de 1989, n'avait jamais été représentée. Christophe Lidon répare heureusement cet oubli. C'est le dialogue d'une prostituée avec un client qui n'est pas ordinaire, ou plutôt si, dès lors qu'on sait que pas mal d'hommes " montent " pour seulement parler, se déboutonner comme on dit. Il s'agit de l'affrontement houleux de deux solitudes incompatibles, celle d'une professionnelle rigoureuse et d'un qui, ne jouant pas le jeu coutumier, bouleverse passablement les lois du service sexuel tarifé en affirmant, en creux, ce qu'il faut bien définir comme une demande d'amour mal formulée... N'en disons pas plus. Une fois donnée la situation, l'important se trouve dans les péripéties, les subites volte-face, les coups de théâtre à huis clos dans une chambre d'hôtel de passe, avec dessus de lit synthétique et le petit paravent censé dissimuler lavabo et bidet (décor de Catherine Bluwal).

L'échange vaut d'abord par la justesse du ton, que les interprètes (Florence Viala et Jérôme Pouly) maintiennent tout du long avec la plus élégante rigueur, ce qui n'est pas facile, étant donnée la scabreuse convention initiale des postures. On saisit là, en somme à vue, comment Durringer, jeune auteur qui sait d'emblée humer l'air de la rue, broie lui-même ses couleurs et affûte les outils d'un réalisme poétique qui n'appartient qu'à lui, fait de cette rudesse d'apparence qui sans cesse masque et démasque en lui l'écorché vif, en homme d'effusion lyrique qui entend néanmoins demeurer lucide. Christophe Lidon a fermement conduit la Nuit à l'envers sur le fil du rasoir, avec une rare sûreté de main.

 Jean-Pierre Léonardini - L'Humanité (4 décembre 2000)