christophe lidon metteur en scene
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Leçon de nuit
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Leçon de nuit

L'Avant-Scène juillet 2000 n° 1074 (Jean-Claude Brialy)


Une grande mise en scène pour moi est celle qu'on ne remarque pas, elle doit être au service de l'auteur et des comédiens.

Il y a des metteurs en scène qui s'amusent à transformer une œuvre en jeu à tiroirs secrets. Christophe Lidon a été à bonne école, il n'a pas connu Louis Jouvet mais Vitez, Boutté et Lassalle, tous les trois créateurs humbles et généreux. Christophe Lidon aime le théâtre et les acteurs, son imagination est au service du spectacle, avec précision, invention et charme, il sait donner les couleurs du Temps, il travaille comme un artisan avec modestie et sensibilité, la fantaisie traverse le plateau pour mieux cerner en gros plan l'émotion. Christophe aime aussi le cinéma et le rêve.

Ses spectacles portent sa signature : intelligence, légèreté et clarté, les lumières cernent les visages pour mieux faire éclater leur fragilité. Christophe Lidon n'a pas de parti pris, il s'adapte à toutes les formes de théâtre : la comédie, le drame, le vaudeville ou la tragédie. Pour lui les frontières n'existent pas, il a pour mission le respect et l'exigence et surtout l'amour de partager.

Merci Christophe de nous faire croire au bonheur d'être spectateur, merci d'avoir eu l'envie de monter La Villégiature de Goldoni, je suis fier et heureux que le Festival d'Anjou l'ait inscrit dans ses créations.

L'Avant-Scène théâtre n° 1074  juillet 2000

Gilles Costaz


Christophe Lidon, la passion du XVIIIème


II y a une dizaine d'années, Christophe Lidon a pris sa place dans le chœur des jeunes metteurs en scène sans l'aide de quiconque. Certains ont le soutien de l'État ou de groupes fortunés. Lui a dû se contenter de la bonne vieille méthode de Fracasse : créer une compagnie - La Nuit et le Moment Théâtre - et lui donner une telle vie que le public en devienne friand. Les spectateurs et le monde du théâtre ont peu à peu repéré cette équipe qui, jouant Shakespeare, Racine, Genêt, Hugo, faisaient crépiter à feu vif le rire et l'émotion. Avec peu de moyens, la bande à Lidon concurrençait les productions cossues des théâtres favorisés. Un théâtre intelligent et physique nous sautait aux yeux et au cœur. Christophe Lidon a acquis aujourd'hui une vraie notoriété. On lui demande de monter, sur de grandes scènes, des créations de Xavier Durringer et Jean-Claude Grumberg. Mais, dans sa tête comme dans sa situation économique de chef de troupe indépendant, il reste un aventureux.


Il y a eu La Trilogie de la villégiature mise en scène par Giorgio Strehler à la Comédie-Française, qui est un spectacle mythique. Vous situez-vous par rapport à cette réalisation, ou pas du tout ?

J'ai vu le spectacle de Strehler car, à l'époque, jouant parfois de petits rôles à la Comédie-Française, j'ai eu l'occasion de voir des répétitions ! J'admirais Strehler, bien sûr, mais j'ai réussi à oublier son art de la clarté et son réalisme esthétisant. Je crois aussi que le temps a passé et qu'on ne fera pas la comparaison. Notre spectacle aura une identité très différente, due en partie au fait que nos comédiens sont majoritairement plus jeunes que dans le spectacle du Français.

J'ai travaillé à partir de situations contemporaines, en cherchant des équivalents contemporains autour des deux familles : la famille Filippo, où Giacinta n'a pas de mère, et la famille de Leonardo, où Leonardo et Vittoria n'ont pas de parents. Il y a, autour d'elles, toutes les « pièces rapportées » : voisins, oncles, tantes, amis - parfois des personnages qui ont juste trois scènes et sont difficiles à traiter.

La pièce se passe à Livourne, mais ce ne sera pas précisé. On est soit à la ville, soit à la campagne. J'ai préféré me souvenir de Venise. Le décor de Claude Lemaire comporte des marches, des pontons, des escaliers. Mais il reste très stylisé. Les costumes d'Aurore Popineau - il y en a soixante-seize, les comédiens n'arrêtent pas de se changer -correspondent à ce désir, pour les femmes, d'être à la « mode ». Goldoni et Félicien Marceau, dans son adaptation, ont remis en selle ce principe de juvénilité, selon lequel on cherche qui on est en se situant par rapport à une mode. C'est une recherche futile de sa place sociale. Quant à l'interprétation, elle ne peut dépendre que d'un travail de troupe. Cela a été défini dès le début : pas une addition de comédiens, mais notre troupe avec d'autres comédiens intégrés.


Qu'apporte la traduction de Félicien Marceau ?

Dans ses Mémoires, Goldoni a voulu écrire une œuvre fleuve, où il développerait longtemps la vie de ses personnages. Félicien Marceau, que j'ai connu en montant L'Œuf et qui a aimé notre travail, a fait une adaptation scénique qui apporte de la rapidité et de la fluidité. Mais on peut dire que chaque pièce a son rythme. La première pièce, La Manie de la villégiature, est endiablée. Elle dit énormément de choses sur le problème de la réputation. Pour la monter, il faut presque résoudre un problème de zapping : on passe six fois d'une maison à l'autre. La deuxième, Les Aventures de la villégiature, repose sur le temps qui passe, le temps des vacances. Elle traite de l'amour. La troisième, Le Retour de la villégiature, est dans un autre climat. Elle traite de l'argent. Tous les personnages ont vieilli en un temps très court et sont dans la nostalgie de la jeunesse et de l'immaturité. Cette dernière partie me fait penser à La Locandiera, que j'avais mise en scène de façon plus sombre. Ici, Giacinta est aussi une femme confrontée au dilemne entre l'amour raisonnable et l'amour passionné : elle privilégie l'homme qui lui correspond le plus.

 Tout au long des pièces, il n'est question que de bonheur, de réputation, d'honneur, d'amour et d'argent. Et l'amour ne vient qu'après l'argent et l'honneur ! Représenter un tel cycle, c'est le problème du coureur de fond. Est-ce qu'on ne risque pas de tout donner à la première pièce ? Comment tenir le spectateur en haleine sans donner le sentiment que le sujet s'épuise ? La solution que j'ai trouvée la plus convaincante est de monter chaque partie comme une œuvre différente des autres. Les trois pièces sont hétérogènes, Goldoni s'est attaché à développer des ambiances différentes.


Vous faites preuve d'une véritable passion pour le XVIIè siècle.

Je ne monte pas seulement des pièces du XVIIIè mais j'aime ce théâtre-là pour l'acuité de ses personnages. Dans Crébillon fils, par exemple, les personnages sont des gens sublimement intelligents. Si on ne comprend pas que ce sont de grands joueurs d'échecs, on se trompe. Ce ne sont pas des gens ordinaires ! Il faut trouver non pas le terreau mais le cerveau. J'aime l'intelligence qui se dégage de cela.

Cet intérêt remonte très loin chez moi. J’ai fait du théâtre très jeune. J'ai découvert que le théâtre de Marivaux, c'est nous et pas nous, c’est-à-dire nous à la puissance dix. J'ai également monté le Paradoxe sur le comédien de Diderot. C’est ce que tout le monde cherche : cette sublime maîtrise, ces questions sur le théâtre, toute une réflexion poussée à l'extrême.


Vous dites que vous avez commencé très jeune. Vous n'avez pas eu le temps de suivre une formation ?

J'ai fait du théâtre dès l'âge de treize ans. En même temps, je jouais dans des films. J’ai quand même continué mes études, mais sans jamais arrêter le théâtre. Après, j'ai suivi des cours de théâtre privés parisiens. On me virait souvent ! J'ai aussi joué des petits rôles à la Comédie-Française. J'ai tourné en Angleterre, où j'ai joué un très beau rôle dans un film (qui n'est pas sorti ici), mais j'avais plus envie de mettre en scène que de jouer. Des metteurs en scène préparant leur spectacle, j'avais pu en voir beaucoup, en me faufilant aux répétitions au Français ou ailleurs. J'avais donc vu non seulement Strehler, mais Grùber, Lassalle, Boutté, Roussillon, Vitez... Et je me passionnais surtout pour leur direction d'acteurs. C'est ce que je préfère. J'ai créé ma compagnie, La Nuit et le Moment Théâtre. C'était il y a neuf ans.


La vie de compagnie est difficile. On vous a vu multiplier les spectacles, comme si c'était une obligation de survie. Est-ce que ce n'est pas épuisant ?

Non, ce n'est pas épuisant. C'est mon rythme. Mais on peut prendre des habitudes. Des habitudes de bouts de ficelle. Jusqu'à présent, l'État ne nous a pas encore aidé. Alors on trouve d'autres moyens. J'ai notamment cherché des coproductions avec des municipalités. La Trilogie de la villégiature est coproduite par sept villes de la région parisienne et d'ailleurs c'est aussi la création du Festival d'Anjou 2000. Cela a représenté, pour les contacts et les discussions, beaucoup de temps mais, quand on passe à la réalisation du projet, cela donne beaucoup de liberté.

Que les scènes nationales coproduisent certains de nos spectacles, que je fasse bientôt une mise en scène à la Comédie-Française, cela rend ma situation paradoxale.


C'est pour cela que vous faites des incursions dans le système privé, comme pour Leçon de nuit d'après Vivant-Denon au Petit Théâtre de Paris ?

Non, Leçon de nuit n'était pas tout à fait un spectacle du théâtre privé. Il est né de l'envie de continuer avec Danièle Lebrun, après La Mouette au théâtre Silvia Monfort. J'ai la chance d'avoir un public fidèle qui accompagne mon travail. J'aime l'institution, je pourrais bien devenir un jour directeur d'un lieu, un théâtre populaire. J'essaie de rendre les spectateurs sensibles aux textes. Je pense à lui, je pense au public de demain.


Vous montez de grands textes, avec un goût de la théâtralisation évident. C'est une politique tout à fait consciente, ou les circonstances ont imposé cette voie-là ?

Je ne sais pas. Pour la mise en scène, je déteste le froid de l'asepsie. J'aime l'émotion dans le rire et dans les larmes. Le public est plus sensible à ce que dit le texte quand l'auteur est joué dans la chair et le sang, et non en oratorio.

Mon credo est que le corps de l'acteur exprime ce que l'émotion implique. Il suinte l'émotion, la violence. Les interprètes sont physiques, on a besoin de leurs enlacements et de leurs luttes. Je souhaite que la formation de l'acteur passe par cela. Le théâtre vivant doit être vivant dans tous les sens du terme. Ce qui ne s'oppose pas à un spectacle intelligent.


Vos mises en scène se ressemblent et, en même temps, sont très différentes.

La vie est une mosaïque de sensibilités et de cultures théâtrales. On y prend ce qu'on peut y prendre, en changeant soi-même d'une pièce à l'autre. Quand nous avons tourné à travers l'Afrique notre Songe d'une nuit d'été, le succès a été étonnant. Je me disais que ce travail devait être, d'une certaine façon, cohérent puisqu'il touchait des publics si éloignés de notre culture. Mon évolution personnelle peut se traduire par thèmes, me semble-t-il. À trente-sept ans, je n'aime pas le même théâtre qu'à vingt. Au début, nos spectacles parlaient d'amour. Nous étions tous dans la quête de l'autre. Puis il y a eu le thème du pouvoir, etc. Nos choix, les miens, ceux des acteurs sont liés à notre vie à nous tous et au temps qui passe.

Un pur bonheur


Dans les trois pièces de Goldoni, montées ici ensemble , on suit les mêmes personnages, des jeunes gens prêts à tout pour «paraître», depuis les préparatifs du départ en villégiature, la manie qui a gagné le XVIIIème siècle vénitien, jusqu'au retour avec ses désenchantements, en passant par les aventures qui se déroulent pendant le séjour à la campagne. Les thèmes abordés par Goldoni ont gardé une actualité surprenante, même trois siècles plus tard.

Cette oeuvre de Goldoni, trop rarement jouée, s'inscrit parfaitement dans le parcours artistique de Christophe Lidon. Une fois de plus, il nous a conquis par sa direction d'acteurs, ses choix esthétiques, sa sensibilité. Il y a beaucoup de maturité dans ce travail.

Stéphanie Vicat et Anne-Charlotte Bory, dans le fameux duo des deux chipies, rivalisent de beauté, de malice.

Bernard Malaka, toujours aussi doué pour les nuances, en amoureux jaloux, en grand frère débordé, est impayable.

Le duo des valets est lui aussi une grande réussite. François Barbin et Laure Guillem, deux excellents comédiens, rivalisent de joie de vivre et de compréhension pour leurs maîtres bien capricieux. Jacques Fontanel, en pique-assiette pas piqué des «verres», Jean-Claude Bouillon, Pierre Maguelon, Marie-Christine Danède, Grégory Gerreboo, Julie Turin complètent judicieusement la distribution.

A la création, en mai dernier, il y avait l'exquise Annick Alane et Antoine Herbez, aujourd'hui remplacés par Françoise Fleury et David Brécourt.

Jusqu'à ce jour, «La Villégiature» a été jouée dans les festivals, dont celui de Sarlat où nous l'avons vue l'été dernier. Elle s'installe pour quelques jours en banlieue, d'abord à Meudon où la compagnie est en résidence. Le souhait pour cette nouvelle année, qu'un théâtre parisien accueille cette belle villégiature.


M-Céline Nivière - Pariscope

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LA TRILOGIE DE LA VILLEGIATURE - Carlo GOLDONI