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KIKI VAN BEETHOVEN

de Eric-Emmanuel SCHMITT

Avec Danièle LEBRUN 

Théâtre LA BRUYERE

L'aventure d'une femme, Kiki, la soixantaine rayonnante, qui va, grâce à la musique, changer sa vie ainsi que celle de ses trois amies. Une fable sur la jeunesse perdue, les émotions refoulées, les secrets invisibles.

Le Figaro 13 octobre 2010

La pièce est drôle, fine, vive, acérée. Le style de l’auteur est puissant par le sens du dialogue et la composition du monologue qui alterne différents moments forts ne laissant aucune prise à une quelconque monotonie. L’auteur s’arme d’humour généreusement servi par Danièle Lebrun qui de façon talentueuse arrive à alterner différents personnages. L’humour guette à chaque réplique, l’intelligence à chaque parole pour traiter de sujets aussi profonds que le pouvoir de l’Art face à la barbarie ou la place de l’Art aujourd’hui dans notre quotidien. La plume toujours alerte de Schmitt charrie un style aux tournures de phrases bien agencées, élégant, beau, ample, nourri et qui ligote dans son terroir le style académique contemporain théâtral qui parfois déserte la Beauté pour faire un pacte avec la seule concision.

Le thème principal de la pièce reste toutefois l’Amour. L’Amour de Beethoven, l’amour de la musique classique, l’amour de la culture que l’auteur, par le talent de Danièle Lebrun se plait à rendre hommage pour faire taire l’inertie de notre mode de vie face à celle-ci.

La musique de Beethoven est présente tout au long de la pièce mais sans être omniprésente. Elle intervient de façon brève. La cinquième et la neuvième symphonie nous accompagnent avec un clin d’œil à la Pathétique donnant ainsi un souffle à la pièce permettant au jeu de Danièle Lebrun d’avoir un reflet musical à ses propos. Les lumières sont une part prépondérante à la mise en scène. Ils accompagnent les propos de Danièle Lebrun. Ils éclairent sa voix dans chacune des scènes, dans chacune de ses interrogations, dans chacune de ses interpellations prêtant ainsi vie et forme à différentes atmosphères.

Le spectacle est de toute beauté avec un texte de grande allure et un jeu de grande valeur.

Safidine Alouache

http://www.notrescene.com

Bas les masques

La scène est presque nue. Seul, trône à l’arrière-scène le masque de Beethoven, un masque blanc imposant avec à son pied un drap blanc jeté. Les lumières et le talent de Danièle Lebrun accompagné d’un texte de qualité font le reste. Car c’est un monologue de toute beauté, un équilibre exigeant entre un texte riche et un jeu superbe porté par le talent de Danièle Lebrun dans lequel la voix de la comédienne devient  une sorte d’aiguillon alternant différents timbres. Elle est une voix de jeune, de vieille, de banlieusarde, une voix qui voyage dans les époques, dans les méandres de l’existence, taquinant la jeunesse, interpellant Beethoven, mimant les époques.

C’est aussi une épopée théâtrale à travers les époques ou les passions. On retrouve Auschwitz avec son horreur, la banlieue avec ses jeunes et Beethoven, à la fois éternel et d’une autre époque. On retrouve aussi le rap avec la musique classique, l’amour avec l’horreur, la musique avec la barbarie, la jeunesse avec la génération des grands-parents incarnée superbement par Danièle Lebrun, encore espiègle et vive.

Les thèmes traités par Schmitt sont de plusieurs ordres mais une question lancinante revient à la fin de ce spectacle qui est le temps et sa déliquescence face à la création. Le classique a-t-il disparu de notre quotidien, du quotidien de la jeunesse ? Est-ce la défaite de la pensée ?

PARISCOPE

ENTRETIEN - La comédienne Danièle Lebrun rayonne dans Kiki van Beethoven


C’est toujours un plaisir de regarder jouer cette grande comédienne. Et nous sommes gâtés, tant son immense talent rayonne dans « Kiki Van Beethoven » d’Eric-Emmanuel Schmitt, mise en scène par Christophe Lidon.


Propos recueillis par M.-C. Nivière

Danièle arrive au théâtre. Elle est désolée de ne pas être très disponible car un mal de dos la fait souffrir. « J’ai hâte d’être sur scène parce que curieusement quand je joue je n’ai pas mal. » Madame Lebrun, c’est un esprit pétillant et une bonne gouaille. Elle est sincère et directe dans sa réponse quand je lui demande pourquoi elle a choisi de faire sa rentrée avec un seul en scène. « Franchement à la base, ce n’est pas ma tasse de thé. J’aime être sur scène avec plusieurs camarades. Mais le texte me plaisait et je pouvais faire des choses avec. »

Oui mais là, elle n’est pas si seule, puisqu’elle incarne plusieurs personnages. « C’est même très marrant à faire huit personnages, trois hommes et cinq femmes. » Cela lui permet de jouer sur les différents registres des sentiments, des personnalités. D’une, elle devient multiple. « C’est avant tout une histoire de technique. » N’allez pas lui parler de virtuosité, cela l’agace, car pour elle cela fait partie du métier. « Un conteur, un vrai comme on en trouve dans le Midi, passe d’un personnage à l’autre, fait parler les animaux, la nature… On l’écoute et on comprend tout, on voit tout. » Il faut quand même un sacré talent. « Non, cela vient de l’enfance. Quand on raconte une histoire aux copains pour les faire rire, on fait tous les personnages. Pour Rachel, c’est la même voix que moi. Kiki est plus raide, je parle plus vite. Pour Candice, je me suis inspirée d’une connaissance. Il faut être très précise et faire en sorte que les boulons ne se voient pas. Et ça, c’est le travail avec le metteur en scène. »

Et dans ce genre d’exercice, quel est son rôle ?

« C’est avant tout un guide. C’est lui qui choisit. Il rejette ou accepte les propositions que je fais. Il dose. » Elle entretient avec Christophe Lidon une relation artistique très forte qui date de « La mouette » en 1998…

« Déjà douze ans que l’on se connaît ! C’est pour cette raison que je l’ai choisi. Pour mon premier seul en scène à Paris, il fallait quelqu’un que je connaisse bien, avec qui je sois en confiance. C’est le cinquième spectacle que nous faisons ensemble. Finalement, j’ai eu du nez en acceptant de faire « La mouette ». Artistiquement, c’est formidable ce qu’il fait. Et puis il connaît bien l’univers d’Eric-Emmanuel Schmitt (dont il a monté cinq pièces). »

Un auteur qu’elle connaît elle aussi fort bien, puisqu’elle fut dans sa première pièce, La Nuit de Valognes, mise en scène par Jean-Luc Tardieu, avec, entre autres, Micheline Presle et Mathieu Carrière. « Et j’ai beaucoup aimé Le Visiteur. Remarquable. Je reconnais que je ne suis pas très portée sur les « bondieuseries ». Ce n’est pas mon truc. Pour « Kiki », j’ai tout de suite prévenu que je ne voulais trop forcer sur le mystique. Eric-Emmanuel a accepté les coupes et ce point de vue. C’est un véritable homme de théâtre. »

Il utilise une très belle métaphore. Etre sourd à la musique de Beethoven signifie être sourd à sa douleur. Ce qui empêche de se libérer et de vieillir sereinement. Ce n’est qu’en accord avec soi-même que l’on peut entendre Beethoven. Pourquoi ce compositeur ? « Beethoven, c’est un mystère. Il devient sourd à 28 ans et cela ne l’empêche pas d’être un génie en musique. Il est malheureux en amour. Il vit dans la misère. Et il termine en écrivant la neuvième symphonie. D’où cela lui vient-il ? Quand on entend les derniers quatuors, on comprend la mort. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’il écrive à la fin de sa vie, ce magnifique « Hymne à la joie » ? Comment en est-il arrivé à écrire ça ? Il n’y a pas de réponse. »

Cette Kiki, c’est quand même une sacrée bonne femme. Elle a une pêche d’enfer, un désir de vivre, d’aimer, malgré sa profonde blessure à l’âme. Elle vit dans une résidence, ce devrait être « pathétique ». Danièle Lebrun me coupe : « Comme Kiki le dit : une pension de vieux, c’est comme une pension d’adolescents. » En effet, cette femme qui ne baisse pas les bras a quelque chose d’« héroïque »,. « Elle connaît par cœur les souffrances des autres. Elle a beaucoup d’humour. Elle aurait pu faire une psychanalyse, mais elle ne l’a pas fait. Finalement, bien écouter la musique éviterait de passer sur le divan. C’est moins cher et plus efficace. » Et elle éclate de rire.

Kiki parle aux spectateurs de leur histoire personnelle. « Il y a toujours des gens qui sont touchés, par le manque de père, par le suicide… J’ai un ami juif qui a été bouleversé par le récit du voyage à Auschwitz. On voit qu’Eric-Emmanuel y est allé. C’est vraiment ça le silence. » Elle sourit, puis s‘excuse mais, elle aimerait bien se reposer avant le spectacle. Devant la prouesse scénique qu’elle exécute tous les soirs, je ne peux que comprendre.

Paris-Match 28 octobre 2010